par Christina Marmet
La Russie domine la natation synchronisée depuis des dizaines d’années. Les nageuses s’entraînent avec une intensité et une détermination que les autres pays semblent ne pas pouvoir atteindre. Bien que l’impression artistique soit critiquée dans le système de notation, les ballets avec de meilleurs éléments techniques se retrouveront toujours vainqueurs. Et sur ce point c'est la Russie qui, incontestablement, donne le ton à la discipline. De nos jours, les mots forts sont vitesse, hauteur, formations serrées, et précision d’exécution.
Lors de ce dernier grand rendez-vous de la natation synchronisée avant les Jeux Olympiques de Londres, l’absence de la Russie dans l’épreuve des ballets d’équipe étonne le public amateur, mais ne surprend pas les experts du sport et fans assidus. Comme chaque fois avant les Jeux Olympiques, les Russes se cachent et préparent de nouveaux ballets qu’elles ne dévoileront qu’au mois d’Août. Les Russes auraient pu venir à Eindhoven et présenter leur ballet de 2011, elles auraient d’ailleurs sûrement gagné mais cela aurait été une perte de temps pour elles ; temps qu’elles préfèrent mettre à profit pour leur préparation des Jeux.
L’absence de la Russie profite ainsi aux Espagnoles, menées par leurs nageuses stars Andrea Fuentes et Ona Carbonell. Depuis les Championnats du Monde 2011, l’Espagne présente un programme sur le thème de la mer. Dès l’arrivée des nageuses, le spectateur est intrigué : pas de coiffe mais un bonnet avec des yeux à l’arrière de la tête, pas de maillot pailleté mais recouvert d’une énorme tête de poisson, la gueule grande ouverte. Les Espagnoles sont reconnues pour leur recherche artistique, leur prise de risque et leur innovation au niveau des portés ainsi que pour la rapidité de leurs figures. La première longueur de ce ballet est typiquement dans leur style : beaucoup de portés, de glisse, de transitions, et aucune partie à 8, mais leur thème devient apparent dès la première seconde. Le déplacement est si rapide qu’elles se retrouvent au bout de la longueur sans même avoir fait une figure toutes ensemble. Un bon point pour elles et une entrée en douceur dans leur ballet.
Ce ballet est véritablement très impressionnant dans sa recherche artistique. Le spectateur peut s’amuser pendant ces 4 minutes à essayer de chercher les petits clins d’œil à la mer. On peut y voir des crabes, des voiles, des sirènes… à vous de chercher ! L’Espagne finit ainsi championne d’Europe en ballet d’équipe.
Parmi les nations présentes à Eindhoven en équipe, seule l’Espagne a réussi à se qualifier aux Jeux Olympiques de Londres (la Grande-Bretagne sera également présente mais était qualifiée d’office en tant que pays organisateur). En 2008 à Pékin, l’équipe finissait 2ème derrière les Russes. Mais malgré sa volonté affirmée et son envie de reproduire le succès de la Russie, l’Espagne doit surtout se concentrer sur un seul objectif : battre la Chine qui lui est passée devant aux derniers championnats du Monde de Shanghai, ne lui laissant que la médaille de bronze. Elle doit également se méfier des Canadiennes qui se rapprochent de plus en plus de ce podium mondial. Pour se ressaisir de l’argent l'équipe Espagnole devra se concentrer sur ses points forts : la créativité et la chorégraphie.
L’Ukraine remporte la médaille d’argent. Les Ukrainiennes sont souvent comparées aux Russes dans leurs méthodes de travail et la composition de leurs ballets. On y retrouve la technique et la précision des pays de l’Est, ainsi que des thèmes musicaux plutôt classiques. Néanmoins, l’Ukraine fait sensation et laisse le public souvent bouche-bée par la hauteur et la complexité de ses portés.
Ici, le ballet Ukrainien est nouveau, mais se reconnaît néanmoins d'emblée par son style classique. Les figures sont beaucoup moins rapides que celles des Espagnoles mais plus propres, et les changements de formation sont clairs et précis. Les portés restent inégalés dans la compétition; leur voltigeuse est leur atout majeur.
Néanmoins, la vitesse globale de ce ballet ne rivalise pas avec celle de la Russie, de la Chine ou encore de l’Espagne. En effet, l’Ukraine a manqué de très peu sa qualification aux Jeux de Londres. A la suite des équipes techniques, l’Ukraine était ex-æquo avec le Japon, mais elle est repassée derrière après les ballets libres. Le Japon a remporté le dernier ticket pour Londres, et l’Ukraine est rentrée chez elle les mains vides. Mais ce pays est bien remonté dans les rangs mondiaux depuis ces dernières années, et il faut donc espérer que sa progression continue jusqu'à Rio.
Enfin, pour compléter ce podium arrive l’Italie, qui nous présente ici un tout nouveau ballet assez abstrait sur le thème de la Commedia dell’arte. Dès la plage nous sommes plongés dans le thème. Avec le chignon en pointe, là aussi le spectateur est intrigué. Aucun porté ni aucune figure accrochée pour commencer le ballet, on rentre dans le vif de l’action par une figure à 8 avec un joli travail de précision dans les obliques. Les Italiennes sont aussi reconnues pour leurs impressionnants portés, composés généralement de nombreux saltos, vrilles, et parfois les deux en même temps ! Ce ballet se concentre sur l’innovation artistique : prise de risques au niveau des figures, mais aussi des mouvements de bras avec parfois une seule fille qui fait un mouvement, puis 4 en font un autre, puis 5… On ressent bien que les nageuses jouent leurs rôles avec les expressions de leurs visages. Quelques passages de ce ballet nous rappellent ceux d’un ballet combiné, avec peu de figures à 8 vers le milieu, et même quelques secondes en solo pour une nageuse.
Quelques petites fautes de synchronisation, et en général moins de précision technique que l’Ukraine et moins de vitesse que l’Espagne, mais une recherche artistique admirable qui font de l’Italie la 4ème nation Européenne en synchro (en comptant la Russie).
Le dossier :
La compétition
Discipline : Natation Synchronisée
Intitulé : Championnats d'Europe 2012
Date : 23-27/05/2012
Lieu : Pieter van den Hoogenband zwemstadion, Antoon Coolenlaan 1, 5644 Stratum, Eindhoven, Netherlands.